Ces tragédies démontrent qu’un véhicule lourd peut faire autant de victimes et de dommage qu’une catastrophe tel un écrasement d’avion. Pour éviter que des situations similaires ne se produisent avec des véhicules autonomes, nous devons nous pencher sur certaines notions de sécurité. À ce stade-ci, plusieurs questions demeurent encore sans réponse. Nous avons des étapes à franchir avant que les camions lourds autonomes ne fassent partie de notre quotidien. Des étapes qui ne sont pas encore définies et pour lesquelles il n’existe pas d’information dans la littérature actuelle. Toutefois, nous sommes conscients que les véhicules autonomes pourront sauver des vies et qu’ils ont leur place dans un futur plus ou moins rapproché. Il faut se demander quel est le meilleur chemin à emprunter pour que leur intégration soit harmonieuse.
Les événements cités plus haut m’ont fait réfléchir à la place des véhicules autonomes sur nos réseaux routiers et aux dangers qu’ils peuvent représenter s’ils ne sont pas parfaitement programmés. Sachant qu’un véhicule lourd peut tuer des dizaines, voire des centaines de personnes, sommes-nous prêts en tant que société à laisser le contrôle à une machine? L’accident mortel impliquant un taxi Uber autonome en Arizona a d’ailleurs soulevé de nombreuses questions. Même si les causes de la collision sont complexes et que la responsabilité n’a pas été attribuée au véhicule autonome, la confiance des gens envers cette technologie a été ébranlée. Déjà que plus du deux tiers des américains ont avoué dans un sondage qu’ils ne se sentiraient pas en sécurité s’ils devaient partager la route avec des véhicules autonomes.
Mon bagage de certification aéronautique et de conception de système électronique m’amène à aborder le sujet des véhicules autonomes d’une perspective différente. À mon avis, ces derniers devraient être traités de la même façon que les systèmes critiques dans les avions. La défaillance d’un camion autonome peut avoir des conséquences dramatiques, que ce soit la perte de vies humaines ou encore des dégâts matériels importants, tout comme c’est le cas pour un avion. Il faudrait donc que toutes les composantes d’un camion autonome soient conçues en respectant les plus hautes normes pour assurer le bon fonctionnement. En aviation, chaque pièce est certifiée et tout est règlementé. Nous pouvons connaître la provenance exacte des pièces. Le personnel qui travaille sur l’équipement est rigoureusement formé, certifié et effectue de la formation continue. La main d’œuvre est imputable de ses actions.
De plus, en aviation, grâce à la boîte noire et aux composantes certifiées, il est possible de déterminer les causes à la suite d’un écrasement. Lorsque la défaillance d’une composante est en cause, alors tous les avions qui possèdent cette composante sont interdits de vol et sont cloués au sol jusqu’à ce que le problème soit résolu. Mais pour être en mesure de savoir quels sont les avions touchés, cela requiert la traçabilité de toutes les composantes. La chaîne de traçabilité en aviation est impressionnante. D’ailleurs, à cause de cette certification, les pièces sont beaucoup plus durables si on les compare à celles des automobiles. Pensez seulement à une voiture des années ’70. On n’en voit plus sur les routes. Alors que des avions de ces années volent encore.
Considérant que les camions lourds autonomes sont eux aussi des systèmes critiques, ils devraient suivre ce même concept de traçabilité. Toutefois, la chaîne d’approvisionnement des véhicules routiers commerciaux n’est pas régie par une agence gouvernementale, contrairement à l’aviation. Il faudrait qu’une telle agence composée d’experts soit mise en place pour établir les règles et les faire respecter. Pouvons-nous nous permettre de ne pas faire certifier les pièces alors que la vie des individus en dépend? Quels sont les risques de ne pas aller vers la certification?
L’ère des véhicules autonomes se dessine à l’horizon. Mais nous ne pouvons pas prévoir dans combien de temps ils seront normalisés. En attendant que la certification soit mise en place, nous pouvons compter sur la machine pour surveiller l’humain et améliorer la sécurité routière. C’est-à-dire utiliser les systèmes existants comme ceux qui avertissent lors d’une sortie de voie ou qui permettent un freinage automatique en cas d’urgence. Nous devons aussi utiliser la technologie disponible pour former les chauffeurs. Nous devons également tirer profit des données que nous possédons pour prendre de meilleures décisions et modifier les habitudes de conduite à risque.
À propos de l'auteur
Jacques DeLarochellière
Chef de la Direction, Président du CA et Cofondateur d’ISAAC Instruments.
Le leadership entrepreneurial de Jacques lui a valu une sélection comme finaliste des prix d’entrepreneuriat d’Ernst & Young et de Desjardins. Jacques détient un baccalauréat en génie mécanique, une attestation de théorie et pratique d’essais en vol de l’école de génie de l’Université du Kansas et une formation spécialisée en certification des aéronefs de Transports Canada.